Jour 16 : Sinettä, Rovaniemi, FI – Umea, SE
Aujourd’hui, longue journée de transition, nous quittons à regret la Finlande, nous y avons vécu de bons moments, pour rejoindre la Suède. Nous traversons encore et toujours des forêts, avec de moins en moins de rennes, nous côtoyons de beaux et grands lacs et nous suivons le cours de rivières opulentes.
Nous apprécions aussi d’avoir des tronçons à 110, lol. Mais le clou de la journée fut la découverte d’une ville-église…
L’étape du jour
Km 000 – départ 6h30 – 10°C – Soleil
Km 040 – nous traversons une dernière fois le Cercle Polaire
Km 100 – nous rentrons en Suède, aucune frontière…
Km 250 – nous nous arrêtons longuement à Gammelstad
Km 528 – arrivée à Umea – 23°C – Soleil – 16h00
Le fait du jour
Un peu de théorie pour mieux comprendre mon exposé ! Ce soir, je vais vous parler d’ascenseur isostatique et de ses effets plus ou moins inattendus, en tout cas pour la population du XIVe siècle.
Il y a 115.000 ans la Scandinavie avait à peu près la même configuration que maintenant, mais rappelez-vous la dernière glaciation, il y a environ 20.000 ans, toute la Scandinavie fut recouverte de glace, et ici, en Suède cette couche fit quand même 3 kilomètres de haut, excusez du peu ! Toute cette glace représenta un certain poids qui, inévitablement, affaissa les sols d’environ 800 mètres… Puis la glace fondit, il y a 9.600 ans et la terre remonta progressivement à 500 mètres. Depuis, le phénomène continue, à raison de 8 millimètres par an, on se trouve encore actuellement à moins 256 mètres du niveau initial et l’on estime que la remontée devrait se poursuivre encore d’environ 50 mètres (mais sans aucune certitude). Ce phénomène s’appelle l’ascenseur isostatique (c’est du moins comme ça que j’ai traduit : isostatic lift, cela dit pour les fanas de Wikipedia, lol).
Revenons à nos moutons, je veux dire à notre population du XIVe siècle, qui se mit à bâtir une ville du nom de Luleå, port au bord de la mer, à l’embouchure du fleuve Lule. Inconscient du phénomène qui se jouait sous leur pied, ils durent assez vite se rendre compte que le rivage s’éloignait peu à peu de leur port… Comme ils n’avaient pas nos moyens modernes d’excavation, ils décidèrent tout simplement de rebâtir la ville plus en aval et baptisèrent l’ancienne ville du nom de Gammelstad (vieille ville en suédois).
Mais l’histoire ne s’arrête pas là et ce n’est pas pour rien que l’UNESCO a inscrit en 1996 la « ville-église » de Gammelstad (Gammelstads kyrkstad) sur la liste de son patrimoine mondial. Car il s’agit d’une ville-église :
Il y en eut 71 en Suède, il n’en reste plus que 16, la plupart à l’état de vestiges, et seule Gammelstad est préservée, ça tombe bien, car c’est aussi la plus grande, avec ses 533 chambres réparties dans 408 maisonnettes.
Plusieurs facteurs ont concouru à l’apparition de ses villes-église : les grandes distances entre les bourgades, la nécessité pour les marchands de disposer d’un entrepôt (photo ci-dessous) et d’un marché, le besoin d’assurer un gîte pour eux et pour leurs chevaux…
Et surtout : l’obligation pour les paroissiens de se rendre à l’église tous les dimanches, sous peine d'une forte amende. Du coup, ceux qui habitaient à plus de 20 km du lieu de culte (l’église) avaient le droit de bâtir une maisonnette, avec une chambre par couple. Ils s’y rendaient le vendredi et en repartaient le lundi (le samedi, le marché et la vie sociale, le dimanche, les offices), le reste de la semaine ils étaient dans leurs champs ou auprès de leur bétail…
Le nom de ville-église, vient du fait que ces villes, bâties autour d’une église, étaient totalement dépeuplées la semaine et remplies le week-end.
La guide nous a aussi expliqué certains détails cocasses, par exemple des rues entières de maisonnettes, réservées aux jeunes filles.
Elles se tenaient à l’intérieur, face à la fenêtre et les jeunes gens qui déambulaient dans la rue, venaient taper à la fenêtre de celle qui leur plaisait. Si c’était réciproque, la jeune fille ouvrait sa porte, le jeune homme entrait, ils pouvaient ainsi discuter et même passer une nuit ensemble (habillés et dans deux alcôves séparées, sérieux !).
Le week-end suivant, la jeune fille avait parfaitement le droit de se remettre à sa fenêtre pour attendre un autre garçon, si celui de la semaine précédente ne faisait finalement pas l’affaire… Cette pratique, qui nous fait plutôt sourire, était le seul moyen intelligent et socialement reconnu et accepté, de former les couples ; la plupart des familles vivant totalement isolées loin du « bourg ».
En tout cas, nous avons fait une visite de plus de deux heures, dans ce charmant village, présenté avec brio par notre guide.
La ville est toujours peuplée, quoique assez vide (les gens viennet une dizaine de fois par an), à peu près pour les mêmes raisons religieuses (sauf qu’il n’y a plus d’amende). Les maisons se lèguent de père en fils et de temps en temps certaines sont à vendre, mais uniquement aux gens de Luleå. Les terres appartiennent à l’église, seules les maisons s’achètent. Précisons encore qu’elles n’ont pas d’eau courante, mais depuis peu ont l’électricité, pour éviter les incendies, car toutes les maisons sont en bois (sous les parements se trouvent des troncs entiers).
Ce fut un vrai grand moment…
Hotel/Restau
Un hôtel beaucoup plus ordinaire pour cette étape, mais au bord d’une rivière et avec sauna. Nous avons très bien déjeuné à Gammelstad et ce soir, surprise, le buffet est offert par l’hôtel, alors on se casse pas la tête, lol.
Les photos du jour sont sur l'album Umea.